Uranium appauvri, un tueur très présentable

«  L’uranium appauvri est un métal très dur, très dense, explique Jim McDermott, membre du Congrès américain. Vous le mettez sur la pointe d’une balle ou dans la tête d’un obus, il pourra traverser un premier tank, puis un deuxième tank. D’un point de vue militaire, c’est formidable. » D’un point de vue santé publique, c’est autre chose. Jacques Charmelot a voulu mesurer les réelles conséquences de l’UA sur l’homme. Cet ancien journaliste de l’AFP a couvert en trente ans des conflits en Afrique, dans les Balkans, en Iran, au Liban et en Irak, où il retourne pour commencer son enquête.
En février 1991, larguées par l’aviation américaine, les premières bombes à base d’uranium appauvri anéantissent des centaines de chars irakiens qui fuient le Koweït, sur la route de Bassora. Plus de vingt ans après, les médecins de l’hôpital central de la ville constatent la multiplication par quatre du nombre de cancers. A l’époque, on avait prévenu les soldats américains des dangers de ces munitions : s’en écarter au plus vite et le plus loin possible, et éviter toute exposition de la peau. Mais les habitants de Bassora n’ont eu ni cette chance ni le choix : les épaves des chars n’ont pas bougé et continuent de distiller leur poison. Car, après inflammation, les nanoparticules toxiques dégagées par l’UA – des résidus d’uranium enrichi peu radioactif et non dégradable – peuvent s’inhaler ou s’ingérer très facilement et contaminer l’organisme.
Pendant les guerres de Yougoslavie, près de Sarajevo, l’ancienne usine d’armement serbe d’Hadzici est la cible à répétition des avions de l’Otan et reçoit 4 000 obus à l’UA. Sur place, Jacques Charmelot recueille le témoignage des survivants : la plupart des ouvriers sont morts à la suite de cancers. Aujourd’hui, la maladie touche en nombre les habitants actuels, empoisonnés par l’environnement. Ils ne sont pas les seuls.