Quarante ans après l’attentat dramatique contre le Rainbow Warrior, navire emblématique de Greenpeace, la mémoire de ce scandale d’État continue de résonner avec force dans les consciences. Le 10 juillet 1985, à Auckland en Nouvelle-Zélande, une explosion meurtrière anéantissait une cause pacifique dédiée à la protection de l’environnement. Cette opération clandestine, pilotée par la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) sous le mandat d’agences gouvernementales françaises, marqua les esprits bien au-delà des rivages du Pacifique. Aujourd’hui, France Télévisions offre une plongée détaillée et inédite dans ce dossier à travers une série documentaire percutante, qui éclaire les coulisses d’une mission secrète, mêlant espionnage, politique et luttes écologiques, donnant une nouvelle vie au récit passionnant et douloureux de ce conflit.
La série, exposée en trois épisodes sur France 2, restitue les événements avec l’intensité d’un polar, mêlant témoignages d’agents secrets, responsables politiques et militants écologistes. Elle dévoile la préparation méticuleuse, les failles opérationnelles, les conséquences dramatiques et les retombées politiques qui s’en suivirent. Ce travail de reportage retrace non seulement le sabotage qui a coulé le Rainbow Warrior mais questionne aussi la nature complexe des décisions d’État, le poids du secret et la portée d’une action ayant profondément marqué l’histoire de Greenpeace et des relations internationales.
Le sabotage du Rainbow Warrior : un épisode majeur de l’histoire de Greenpeace et de la France
En 1985, Greenpeace entreprenait une mission symbolique pour protester contre les essais nucléaires français dans le Pacifique, notamment à Mururoa. Le Rainbow Warrior, un ancien chalutier transformé en vaisseau de lutte écologique, devint le fer de lance de cette campagne. Sa présence menaçait directement les intérêts stratégiques de la France, alors engagée dans une politique nucléaire controversée, jugée indispensable à sa posture de puissance mondiale.
Face à ce défi, l’État français lança une opération secrète qui dépassait largement le simple acte de sabotage. La DGSE mit en œuvre une stratégie d’infiltration et d’élimination du navire, baptisée « opération Satanique », mêlant fausses identités, espionnage de haute volée et exécution d’une action explosive. Ces actes, étroitement encadrés par des services étatiques, avaient pour but d’assurer la continuité d’une politique nucléaire jugée prioritaire par le gouvernement.
Cette attaque aboutit à la mort tragique de Fernando Pereira, un photographe engagé à bord, ce qui fit basculer ce sabotage dans le domaine du scandale. L’écho international fut immense : le respect des conventions internationales fut mis en cause, et l’opération clandestine poussa la France au bord d’une crise politique majeure. C’est cette complexité politique, technique et humaine qu’explore le documentaire diffusé en 2025 sur France 2, avec le regard de témoins directs, dont Jean-Luc Kister, l’agent secret responsable de la pose des charges.
La DGSE et l’opération Satanique : entre espionnage et échec retentissant
L’importance de l’attaque repose sur la préparation minutieuse menée par la DGSE. L’opération fut un exercice complexe d’espionnage, nécessitant l’adoption de fausses identités. Des agents furent envoyés à Auckland avec des noms fictifs « Turenge » pour tromper la vigilance locale et mener à bien leur mission. L’entrainement physique et psychologique des agents était d’un niveau élevé, marquant l’engagement total des services secrets à l’époque sous la Ve République.
Pour la première fois dans ce documentaire, Jean-Luc Kister raconte ses souvenirs et les mécanismes internes de l’opération. Il admet les erreurs qui ont mené à l’explosion fatale, qui dépassa même les intentions initiales de la DGSE, entrainant l’internationalisation de l’affaire et la difficulté diplomatique pour la France. Ce récit dévoile un pan rarement exploré des moyens utilisés par un État pour défendre ses intérêts, en particulier dans une période où les tensions de la Guerre froide justifiaient beaucoup de mesures extrêmes.
L’échec stratégique mena la DGSE à une grande perte d’image, qui s’ajouta à celle du gouvernement. Le documentaire révèle en parallèle les réactions des autorités néo-zélandaises et de la justice, incarnées par des figures telles qu’Allan Galbraith, chef de la police judiciaire à Auckland. Ces services menèrent une enquête rigoureuse qui permit rapidement d’identifier les responsables, créant un précédent inédit dans le domaine de la lutte contre le terrorisme d’État.
Réactions politiques et retombées diplomatiques : la crise de la Ve République dévoilée
Au-delà de l’opération militaire, cet épisode dévoila les tensions politiques qui divisèrent la France. La série documentaire met en lumière les stratégies des acteurs politiques, dont Pierre Joxe, ministre de l’Intérieur, et Louis Schweitzer, directeur de cabinet du Premier ministre Laurent Fabius. Ces personnalités publiques durent gérer la tempête médiatique et les contestations internes, tout en niant d’abord officiellement l’implication française.
Les démentis se heurtèrent rapidement aux enquêtes journalistiques, notamment celles d’Edwy Plenel du Monde et Jean-Marie Pontaut de L’Express, qui firent éclater la vérité. Ces révélations jetèrent une lumière crue sur les méthodes parfois obscures des services de renseignement et soulevèrent le débat sur la responsabilité de l’État. Cette escalade politique culmina dans la démission d’un ministre, illustrant le poids des scandales d’État sur le gouvernement français.
La série documentaire retrace aussi l’impact sur les relations entre la France et la Nouvelle-Zélande, deux pays à mille lieues culturellement, et pourtant liés par cet événement tragique. L’affaire provoqua un malaise durable, dégradant la confiance et soulevant des questions sur la souveraineté et le respect du droit international, une leçon toujours d’actualité selon les experts d’Arte, canal+ ou Public Sénat qui ont suivi les productions autour de cette affaire.
La mémoire écologique et la ténacité de Greenpeace : un combat toujours présent
Pour comprendre pleinement l’héritage du Rainbow Warrior, il faut encore s’attarder sur le rôle central de Greenpeace, organisation non gouvernementale qui mena avec détermination cette lutte environnementale. Ce navire, symbole d’une conscience écologique naissante, incarnait la résistance pacifiste à une politique jugée destructrice. L’attaque fit perdre la vie à un militant, un sacrifice qui renforça l’engagement du mouvement à l’échelle mondiale.
Le documentaire donne la parole à Bunny McDiarmid, survivante et aujourd’hui directrice exécutive de Greenpeace International, qui relate l’émotion, la colère mais aussi la solidarité suscitée par ce drame. Le combat contre les essais nucléaires continua, amplifié par ce qui était devenu un « symbole » brutalement frappé. Greenpeace utilise encore ce chapitre pour sensibiliser aux enjeux nucléaires et poursuivre la mobilisation à travers des campagnes relayées par tous les grands médias du moment, comme Netflix, National Geographic ou France 5.
Au fil des décennies, le Rainbow Warrior reste un étendard pour les militants écologistes, une image forte relayée dans les archives de l’INA, ainsi qu’une source d’inspiration pour les nouvelles générations engagées sur les questions environnementales. Ce témoignage unique, complété par la série documentaire, assure que cette histoire continue de vibrer à travers les luttes d’aujourd’hui pour un avenir durable.
Qu’est-ce que le Rainbow Warrior ?
Le Rainbow Warrior était le navire amiral de Greenpeace, utilisé pour protester contre les essais nucléaires et défendre l’environnement dans les années 1980.
Qui était responsable de l’attentat contre le Rainbow Warrior ?
L’attentat a été orchestré par la DGSE, le service de renseignement extérieur français, sur ordre de l’État français pour protéger ses intérêts nucléaires.
Quel fut l’impact politique de cet attentat ?
Cette opération secrète a engendré une crise politique majeure en France, entraînant la démission d’un ministre et un scandale international.
Comment Greenpeace a-t-elle réagi à cette attaque ?
Greenpeace a renforcé son engagement international pour lutter contre la prolifération nucléaire, en faisant du Rainbow Warrior un symbole fort de résistance pacifique.
Où peut-on voir la série documentaire sur le sabotage du Rainbow Warrior ?
La série en trois épisodes est diffusée sur France 2 et disponible en replay sur france.tv, avec des contributions de France Télévisions et des archives de l’INA.